Cela complète la phase 1 de son projet de recherche Désinformation sur la Covid-19, théories de la conspiration et mouvements anti-autorités : Comprendre pour mieux prévenir. Cette étude a été réalisée principalement par les chercheurs Martin Geoffroy, Frédéric Boily et Frédérick Nadeau et elle a été financée par le ministère de la Sécurité publique du Québec, avec le soutien du cégep Édouard-Montpetit et du cégep de l’Abitibi-Témiscamingue.

L’objectif de recherche

L’objectif de cette recherche était d’établir un portrait socio-politique et religieux des principales croyances complotistes qui ont été exprimées par les principaux influenceurs des médias sociaux québécois dans le contexte de la pandémie. Après une recension de la littérature scientifique, les chercheurs en sont venus à la conclusion que pour mieux identifier les mécanismes cognitifs dominants chez les adeptes des théories du complot, il faut se questionner sur la nature même de la rationalité des discours.

Typologie des discours complotistes

Les chercheurs ont par la suite élaboré une typologie des discours complotistes diffusés en ligne par des influenceurs québécois, ce qui a permis de répertorier six types de discours articulés au sein de deux matrices idéologiques. Ainsi, la matrice d’extrême droite regroupe les discours des citoyens souverains, de la mouvance identitaire, et de la mouvance survivaliste. Pour sa part, la matrice spirituelle et religieuse comprend les discours associés au réseau du nouvel âge, à l’intégrisme catholique et au fondamentalisme protestant.

Absence de l’extrême gauche

« La recherche a aussi permis de noter que l’extrême gauche est absente de cette typologie, peu de ces groupes ayant contesté le discours scientifique officiel au Québec pendant la pandémie, souligne Martin Geoffroy, directeur du CEFIR. Cela confirme nos recherches antérieures qui soutiennent que la majorité des Québécois adeptes des théories du complot évoluent dans des réseaux idéologiques d’extrême droite, et que cette tendance serait mondiale. »

Confirmation de constats d’autres chercheurs

Les auteurs du rapport ont pu confirmer plusieurs constats des chercheurs Sylvain Delouvée et Sebastian Dieguez[1], notamment que le complotisme est associé à un style de pensée intuitif, qui est même valorisé. Toutes les recherches montrent que le complotisme est actif et stratégique, et qu’il s’agit d’une vision du monde choisie délibérément. Les auteurs du rapport partagent la conclusion de Delouvée et Dieguez à l’effet que la pensée complotiste est « un dispositif flexible permettant de justifier et de renforcer certaines positions idéologiques, et de mobiliser les individus autour de causes, qui gagnent ainsi en importance et en urgence par la désignation d’un ennemi malfaisant, insidieux et déterminé à "nous nuire" ».

Documenter les phénomènes complotistes

« Alors que les connaissances sur le complotisme au Québec commencent à émerger, il est important de continuer à documenter ce phénomène, conclut Martin Geoffroy. Nous proposerons, dans les prochains mois, une version plus étoffée de cette recherche sous la forme d’une publication aux Presses de l’Université Laval. De plus, nous entreprendrons la phase 2 du projet de recherche, qui sera basée sur des entretiens avec des individus qui croient aux théories du complot. Nous souhaitons que nos résultats puissent conduire à l’élaboration d’outils pédagogiques pour mieux comprendre ce phénomène et en prévenir les dérives. »

[1] Delouvée, S. et Dieguez, S. (2021), Y a-t-il un profil type de complotiste? Sciences et pseudo-sciences, no. 337, 30-33.